Les agences européennes, objets convoités par tous les Etats membres

Alors que le divorce avec le Royaume-Uni débute à peine, les Etats membres se lancent dans une course féroce pour se partager les deux agences européennes basées à Londres: l’Agence européenne des médicaments et l’Autorité bancaire européenne. Rarement mis sur le devant de la scène, les nombreuses agences européennes représentent des enjeux majeurs. Quatre questions pour comprendre.

Qu'est-ce qu'une agence européenne ?

Créées par les institutions européennes et par les Etats membres, les agences européennes permettent avant tout la mise en œuvre d’une politique européenne plus spécialisée et efficace, dites « du cas par cas ». Leurs activités se veulent techniques et scientifiques afin de répondre plus justement à des besoins particuliers.

Concrètement, elles s’attaquent à toute une série de domaines qui touchent au quotidien des citoyens européens : médicaments, nourriture, substances chimiques, enseignement, transports, droits fondamentaux...

En chiffres, que représentent agences européennes ?

On dénombre aujourd’hui 34 agences européennes dites "décentralisées", c’est-à-dire développant leurs activités dans un pays de l’UE. Les domaines d’expertise sont divers et parfois surprenants. On peut retrouver l’Office communautaire des variétés végétales à Angers qui compte 45 personnes et qui encourage l’innovation dans la variété des plantes. Mais aussi la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail. D’autres agences ont obtenu plus de visibilité dernièrement, comme l’Agence Frontex basée à Varsovie. Si le nom n’est pas inconnu, c’est parce qu’elle organise le contrôle des frontières européennes et elle est en première ligne dans la crise des migrants.

Toutes ces agences occupent plus de 6000 personnes: experts, scientifiques, analystes politiques et personnes de terrain. Les effectifs sont très variables selon leur mission. Si l’Agence européenne des médicaments comprend 900 membres, le Collège européen de police n’en a que 27.

C’est l’UE qui est le principal contributeur financier de ces agences, dans le cadre du budget annuel. Il est cependant compliqué de dresser une règle commune de financement pour toutes les agences européennes : en fonction de leur statut, certaines obtiennent des financements du secteur privé ou des Etats membres directement. Cependant, cela reste un poids important pour le budget européen, car chaque agence nécessite plusieurs centaines de millions d’euros de financement annuel pour son fonctionnement.

Comment sont attribuées les agences européennes ?

Il n’y a pas de critère clair qui soit établi. C’est principalement au niveau du Conseil que les choses se dessinent le plus souvent. Il y a eu deux vagues importantes de partage des agences européennes en 1993, et puis en 2003, où les Etats membres se sont mis d’accord pour donner la priorité aux pays adhérents à l’UE.

Les agences font l'objet de convoitise! Un haut diplomate français auprès de l’Union européenne confiait même : « Un moment, l’UE a créé des agences européennes pour contenter l’ensemble des pays […] En effet, avoir une agence européenne sur son territoire, c’est en quelque sorte obtenir un bout de territoire européen chez soi. »

Cependant, certains pays tels que la Bulgarie, la Croatie ou la Roumanie ne possèdent pas d’agence, alors que la Belgique, par exemple, en héberge huit sur son petit territoire.

Quel enjeu représente les agences européennes au Royaume-Uni ?

Les négociations autour de la sortie du Royaume-Uni de l’UE aiguisent les appétits. En effet, si les agences ne représentent pas toujours une importance capitale dans la machinerie européenne, elles ont une symbolique forte et sont sources de création d’emplois.

Tous les arguments alors sont bons pour obtenir les deux agences en question. Le marché peut commencer : Barcelone aurait déjà trouvé un bâtiment pour accueillir le staff de l’Agence européenne des médicaments, l’Irlande met en avant sa proximité géographique avec Londres pour un déménagement plus facile, la Roumanie considère que sa candidature est prioritaire étant donné qu’elle n’accueille pas encore d’agence sur son territoire.

Pour palier à d’éventuelles disputes, Donald Tusk et Jean-Claude Juncker ont promis de revenir en juin avec une liste de critères qu’ils présenteront afin d’aider les Etats membres à prendre une décision. "Nous espérons un partage pour le mois d’octobre", explique une source de la Commission. Le choix s'annonce complexe et la bataille sera rude: 26 pays se déjà portés candidat pour accueillir les deux agences du Royaume-Uni.

Guillaume Mercier & Valéry Lerouge

Publié par Julien Gasparutto / Catégories : Non classé