La petite Wallonie fait trembler le CETA

DR. Wallonie.be

Attendu à l’occasion du sommet de l’Union Européenne et du Canada, qui se tiendra à Bruxelles le 27 octobre, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, pourrait bien annuler le voyage. À quelques jours du vote par le Parlement européen sur le controversé CETA (accord économique et commercial global entre l’Union Européenne et le Canada), la Wallonie (région de 3,6 millions d’habitants) et la région bruxelloise (1,2 million) font de la résistance.

En juillet dernier, la Commission Européenne décidait que cet accord, en tractation depuis sept ans avec le Canada et sujet à polémique au même titre que le traité de libre-échange transatlantique (TTIP, négocié avec les États-Unis), serait soumis à la consultation des Parlements nationaux des 28 États membres.

Pour la Belgique, cela sous-entend d’abord l’accord des parlements des trois régions (Wallonie, Flandre, et Bruxelles-Capitale) et des deux Communautés (germanophone et française – la Communauté flamande partageant le même parlement avec la Région). Depuis avril, les Parlements wallon, bruxellois, et de la Communauté francophone, à majorité socialiste, écologiste et démocrate-chrétien, tapent du poing sur la table et refusent de donner mandat au gouvernement fédéral. Au Parlement wallon, seul le parti conservateur du Mouvement Réformateur (dont est issu le Premier ministre belge, Charles Michel), soutient l’accord. Du côté flamand (nord), les élus néerlandophones, à majorité libéraux, ont déjà dit oui. Voilà le CETA en sursis, suspendu à la décision de la Wallonie et de Bruxelles, alors que les gouvernements européens sont censés se prononcer le 18 octobre.

Le ministre-président de Wallonie, Paul Magnette, rentré plus tôt de son voyage au Japon pour assister à la séance plénière du Parlement wallon ce vendredi 14 octobre, a annoncé qu’il ne donnerait pas les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral et que « la Belgique ne signera pas le CETA le 18 octobre ». Il sera reçu par François Hollande dans la foulée, la France soutenant l’accord avec le Canada. Mercredi 12 octobre, déjà, l’assemblée parlementaire de la Fédération de Wallonie-Bruxelles apposait son veto.

Paul MAGNETTE - Ministre-Président de la Wallonie

Paul MAGNETTE - Ministre-Président de la Wallonie

André Antoine (Centre Démocrate Humaniste), président du Parlement wallon déplore « une privatisation de la démocratie. Beaucoup de dispositions posent problème pour la souveraineté nationale ». Parmi les points litigieux : la libéralisation de tous les biens et services qui ne seraient pas explicitement cités dans le Traité, un encadrement insuffisant concernant les transactions financières, des cours de juridiction privées pour régler les conflits commerciaux. Il ajoute : « ce traité touche aux compétences exclusives des régions (dont le commerce extérieur). Notre région n’est pas prise en considération, notamment en matière agricole, concernant la rémunération des agriculteurs et la protection de nos produits locaux. ».

Au Parlement wallon, seul le parti conservateur du Mouvement Réformateur, soutient l’accord. Pour Olivier Destrebecq, député MR au Parlement wallon, le CETA permettrait de booster la croissance européenne et belge, en favorisant les exportations agricoles et le développement des PME. Selon lui, « la position des francophones de Wallonie, et notamment du Parti Socialiste, n’est qu’idéologique et dogmatique. Ils ont peur de se mettre à dos les syndicats et mutualités et de renforcer le Parti du Travail de Belgique ».

« Nous demandons un CETA plus juste. Si le gouvernement n’entend pas nos recommandations et refuse de nouvelles négociations, le mandat lui sera refusé », rétorque André Antoine. Il poursuit : « Nous n’avons pas peur d’être vus comme le vilain petit canard de l’Union Européenne car nous savons pourquoi nous disons non. Notre prise de position ouvrira peut être la porte à d’autres voix contestataires ».

Des critiques concernant certains points du CETA se font notamment entendre en Autriche, en Slovénie, en Hongrie, en Roumanie et en Pologne. Un scénario qui pourrait préfigurer le vote sur le TTIP, encore plus décrié.

M. Berthomé & V. Lerouge