Brésil : les athées sortent de l'ombre

Marina Silva cède devant les pressions du Pasteur Malafaia

Sortir du placard, s'affirmer devant la famille, souffrir l'incompréhension ou les discriminations à l’embauche mais aussi dans la rue... C'est ce que disent affronter les athées et agnostiques du Brésil.Dans le plus grand pays catholique du monde, 42% de la population a admis avoir du ressentiment pour les athées, 17% de la haine et 25% de l'antipathie.

Les athées : la montée en puissance

Ils seraient environ 8,9% de la population selon les chiffres soulevés devant la 54ème Assemblée Générale de la Conférence des Evêques du Brésil en avril 2016. Si ce chiffre paraît peu, il a inquiété l’Eglise catholique du Brésil. En effet en 2010 il n’était que de 7,9%. L’apparition du pluralisme religieux est une des raisons évoquées par l’Eglise. Cependant si ce pluralisme explique une baisse du nombre de catholiques au Brésil, il n’explique pas la montée de l’athéisme, c’est à dire l’absence de croyance en un Dieu, quel qu’il soit.

Selon le Frère Cicollini, cette perte de foi, s’explique par plusieurs facteurs. Selon lui, il y aurait d’une part une mauvaise interprétation de la notion de Dieu chez les gens mais surtout le Brésil serait « un état laïque, délétère, car il est interdit de parler de Dieu, qui est un élément constitutif de la nature humaine ». Si l’Etat ne fait rien, il sera bientôt interdit de parler de religion et selon lui, il est impossible d’éduquer qui que ce soit sans la religion.

João Caetano, carioca de 40 ans ne partage pas cet avis. Il se dit athée depuis sa plus tendre enfance ce qui a été difficile pour sa famille à accepter.

C'est la montée en puissance des évangélistes au Brésil qui a poussé João à devenir athée militant. D’après lui, l’élection récente du nouveau maire de Rio, Marcello Crivella, ouvertement évangéliste et intiment lié à l’église Universal est la preuve que le Brésil reste un Etat religieux. Cette élection pour lui est un coup dur mais il n’est pas vraiment surpris. La religion est souvent présente dans les discours politiques.

L’un des exemples phare est le vote pour l’impeachment par les députés. Durant la nuit du vote ; les Députés ont fait référence à Dieu 59 fois, suivant de près le mot corruption cité seulement 65 fois. Ce jour là le vote sera justifié plus sur la religion, la morale et les valeurs familiales que sur des arguments législatifs.

Son groupe ARCA, l'Association Rationaliste de Sceptiques et Athées, organise des réunions mensuelles dans les musées ou centres culturels un peu partout dans le Brésil. Une quinzaine de personnes se réunissent pour discuter entre athées et religieux de questions politiques et scientifiques. Actif sur la toile, chaque samedi l'ARCA poste des interviews sur le thème de l'athéisme. Leur but, réunir un assez grand nombre de personnes afin de faire contre poids au pouvoir évangélique. João Caetano ou JC comme il se surnomme, a vu un intérêt croissant de la part de religieux et de non religieux sur la question de l’athéisme mais le chemin est long.

Si pour lui, la tendance pourra se renverser un jour, il reste pessimiste quant au temps que cela prendra. « Pour moi, le changement n’interviendra pas avant au moins un siècle. »

L ‘ATEA pour une laïcité effective

Depuis 2008, Daniel Sottomaior a pris les choses en main. A travers le site d'ATEA qu’il a fondé, l’Association d’Athées et d’Agnostiques,  et la page facebook, il apporte son soutien juridique aux athées du Brésil victimes de discrimination. Aujourd’hui, l’association compte 17 000 associés, une victoire pour Daniel Sottomaior qui n’espérait pas générer autant d’intérêt. La création de l’ATEA a valu à Daniel une certaine notoriété et a été invité sur une centaine d’émissions de télévision pour parler de l’athéisme ou participer à des débats. Cette notoriété, tout en apportant de la lumière sur le mouvement, a exposé Daniel Sotomaior. Jusqu’à il y a deux ans, il recevait régulièrement des messages d’insultes et des menaces de mort. Si ces messages ont cessé, c’est parce que Daniel se fait plus discret. Les messages d’incompréhension et d’insultes ne sont plus dirigés personnellement mais se font directement sur la page facebook.

Daniel est habitué et son combat visa à ce que ce type de comportement ne soit plus normalisé.

Ses vidéos d’explication de l’athéisme ne visent pas à dénoncer les religions mais plutôt à apporter une définition aux nombreux Brésiliens qui le diaboliseraient encore.

Affiche créée par ATEA, "Nous sommes tous athées avec les dieux des autres"

Affiche créée par ATEA, "Nous sommes tous athées avec les dieux des autres"

Le terme semble fort mais c’est cette vision de l’athéisme est encore très présente au Brésil et véhiculer par des personnalités. En 2015, l’association remporte une victoire en justice contre le présentateur Jose Luis Datena et la chaine de télévision Télévision Bandeirantes pour discrimination contre les athées, les obligeant à payer 10.000 reais de dédommagement. En effet, le 27 juillet 2010, durant son émission « Brasil Urgente », le présentateur affirme  avec l’un de ses journalistes que l’absence de croyance provoquerait l’individualisme, la barbarie, que les athées seraient des personnes du mal. En se référant à un crime commis sur un enfant de deux ans il affirme : « Cela ne peut être que l’œuvre de personnes qui n’ont pas Dieu dans leur cœur ».

Deux derniers combats juridiques : supprimer la loi qui permet l’exonération d’impôts aux Eglises et interdire les cultes dans la Chambre des conseillers municipaux à Sao Paulo.

Sur ces deux combats, Daniel Sottomaior pense que l’association n’aura pas gain de cause mais l’important n’est pas là pour lui et les membres de l’ATEA. Leur but, régulièrement faire pression pour que les instances politiques et religieuses comprennent que la volonté d’un Etat laïque n’est plus le fait de quelques personnes isolées.

Marie Ndenga Hagbe pour Fanny Lothaire