La photo pour terrain de Jeux

Photo by Mario Tama/Getty Images

"Donner une voix à ceux qui n'en ont pas". C'est ainsi que Mario Tama résume son travail. Arrivé au Brésil depuis presque 3 ans, ce photo-journaliste américain s'attache à capturer les petits moments qui animent la ville de Rio. L'occasion de découvrir les Jeux Olympiques sous un nouvel angle. 

"Je suis constamment en train de lire la presse, de m'informer sur les réseaux sociaux, de discuter avec mes amis et collègues brésiliens", explique Mario. Alors que Rio est en pleine ébullition olympique, le photographe reste attentif aux soubresauts sociaux et politiques qui secouent actuellement le pays. "En tant que photographe, j'essaie de faire ce que je peux pour améliorer la situation". Et faire ce qu'il peut, ça veut dire immortaliser ces instants incongrus et saisissants, hors des pistes et des bassins. Pour lui, les JO vont au-delà du sport. Son terrain de Jeux s'étend bien plus loin que les installations olympiques.

La "victoire" d'habiter chez soi 

Photo by Mario Tama/Getty Images

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Cette photo a été prise il y a quelques semaines seulement. La Vila Autodromo est alors en plein travaux, en vue de la construction du Complexe olympique prévu pour les épreuves de natation. À l'origine, le terrain abritait une favela (une "communauté", dit-on au Brésil, par souci du politiquement correct) regroupant 700 familles. Pour la majorité, elles ont été relogées dans d'autres installations de la ville, en échange de sommes d'argent plus ou moins importantes. Mais certaines ont refusé d'abandonner les lieux. "Une vingtaine de familles ont résisté. Pour elles, le fait d'être encore là aujourd'hui représente une victoire. Elles continuent à se battre pour ne pas partir. Une fois par mois, le samedi, elles organisent des manifestations festives, parfois violentes, parfois pacifiques, pour se faire entendre".

"Des portraits d'Humanité" sur le Boulevard Olympique 

Mario a pris cette photo sur le Boulevard Olympique, haut lieu d'animations artistiques pendant les Jeux. C'est ici que se rassemblent les Brésiliens pour danser, faire la fête. Et encourager leurs sportifs.

Photo by Mario Tama/Getty Images

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De parts et d'autres, les fresques de l'artiste brésilien Eduardo Kobra (Sao Paulo) colorent les murs. "Les gens viennent ici pour le sport et quand ils voient ces oeuvres, ils sont vraiment touchés. Ces dessins sont des portraits d'Humanité, ils sont incroyables".

Photo by Mario Tama/Getty Images

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Des réfugiés qui nagent comme "un pays"

Yusra Mardini et Géraldo Bernades sont les deux nageurs syriens de l'équipe olympique des réfugiés. Une équipe inédite et déjà très populaire. Mario a eu l'occasion de les photographier lors d'une séance d'entraînement ouverte aux médias. "La plupart du temps, les nageurs étaient dans la piscine. Ils montraient une véritable détermination. Et il y a une telle cohésion entre eux. On dirait un pays".

Photo by Mario Tama/Getty Images

Photo by Mario Tama/Getty Images

 

"Ce spectacle auquel ils n'avaient pas accès" 

Cette dernière photo est la plus récente. C'est aussi la plus populaire. Prise lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux (5 août) et postée le lendemain sur les réseaux sociaux, elle a suscité un flot d'éloges. Pour la première fois, Mario a reçu des réactions de la part de photographes brésiliens. Un honneur, au vu des nombreuses critiques qui accueillent le travail des artistes américains et occidentaux, souvent qualifiés de "stéréotypés" ou caricaturaux. Cette photo, justement, n'a rien d'une caricature, encore moins d'une mise en scène. "Il y a environ un an et demi que je me rends très régulièrement dans la favela de Mangueira. J'ai tissé des liens avec plusieurs habitants. Le soir de la cérémonie d'ouverture, j'étais sur un toit en terrasse pour avoir une vue sur le stade du Maracana (NDLR : lieu de la cérémonie d'ouverture). Je voulais photographier les feux d'artifice. Et au moment de faire mes photos, j'ai vu ces gens qui regardaient ce magnifique spectacle auquel ils n'avaient pas accès. Alors, je me suis dit que la photo pouvait avoir une autre dimension".

Photo by Mario Tama/Getty Images

Cette autre dimension, c'est la dimension sociale, très présente dans le travail de Mario. Mais loin de lui l'idée de faire passer un message politique.  "À l'origine, je voulais juste photographier les feux d'artifice. Face à une telle beauté, on ne sait jamais comment les gens vont réagir. Oui, ils peuvent protester, mais ils peuvent aussi être heureux et faire la fête. Cette photo ne dénonce rien en particulier". En juxtaposant la pauvreté et l'opulence, Mario souhaite avant tout capturer un instant de la "réalité". Cette réalité dont il se plaît à rendre les différents visages, dont il s'obstine à montrer les "marges". Ce 5 août dernier, sans le vouloir, il a placé les invisibles au coeur des regards. "J'ai eu le sentiment que j'avais capturé un moment valide" conclut modestement Mario. Avec son objectif, il a tiré les périphéries de la pénombre. À l'image des feux d'artifices, il a illuminé ceux que l'on ne regarde pas.

Marie Gentric pour Fanny Lothaire