Quelle coalition pour diriger l'Allemagne ? Les jeux sont ouverts !

La large victoire d’Angela Merkel dimanche, aux élections législatives, semble assurée. Selon les sondages, son parti, la CDU devrait remporter les élections avec plus de 36% des voix. Le SPD, loin derrière, n’obtiendrait que 22% des voix. Mais pour gouverner, la chancelière a besoin d’une majorité qu’elle ne pourra obtenir qu’avec l’aide d’une coalition. À trois jours des élections, tous les scénarios semblent encore possibles. 

Merkel sait déjà avec qui elle ne veut pas gouverner

Si la chancelière a très peu évoqué ses possibles alliés, deux petits partis ont été exclus d’emblée. Angela Merkel refuse toute coalition avec l’AfD, le parti d’extrême-droite, et Die Linke, le parti radical de gauche. L’Alternative pour l’Allemagne, crédité de 11% dans les derniers sondages, devrait faire son entrée au Bundestag et pourrait devenir la troisième force politique du pays. Malgré des sondages très prometteurs, la chancelière refuse toute alliance avec les populistes, qui pourraient bien devenir le premier parti d’opposition.

La Grande coalition, le retour ?

Après quatre ans de co-gestion entre la CDU et le SPD, Angela Merkel pourrait-elle choisir de reconduire la “Grande coalition” ? La chancelière a semblé vouloir tourner cette page pendant la campagne. Mais les résultats de dimanche soir pourraient l'en empêcher. Pour se passer des sociaux-démocrates, elle doit compter sur des scores suffisants des petits partis pour obtenir la majorité des sièges au Bundestag. Un tel cas de figure pourrait aussi donner plus de latitude à la chancelière. En effet, dans la grande coalition, le rapport de forces était plutôt équilibré, et la CDU ne pouvait faire passer aucune proposition de loi sans l’accord du SPD. Si Merkel s’allient à deux petits partis, le rapport de force sera plus intéressant pour la CDU.

Une possible coalition avec les libéraux mal accueillie en Europe

Le petit parti libéral, le FDP, devrait fêter dimanche son grand retour au Parlement. Éjectés en 2013 du Bundestag, les Libéraux ont fait campagne avec un programme clairement à droite qui a convaincu certains déçus de Merkel et aussi la CSU, l’aile bavaroise conservatrice de la CDU. Entre 2009 et 2013, les conservateurs et les libéraux avaient gouverné ensemble. Mais en Europe, cette possible coalition gouvernementale inquiète.

Emmanuel Macron est peut-être celui qui a le plus à perdre de l’arrivée des Libéraux au gouvernement. Si le FDP aime entretenir la comparaison entre leur flambant candidat Christian Lindner et Emmanuel Macron, leurs idées sur l’Europe sont très éloignées. Emmanuel Macron a annoncé vouloir créer un budget de la zone euro. Proposition refusée très rapidement par Lindner qui affirmait il y a encore quelques jours dans une interview: “si l’idée devait être un budget indépendant de la zone euro, qui va à d’autres pays d’Europe, alors ça sera fait sans nous”. Le journal Le Monde affirme qu’Emmanuel Macron aurait dit à un de ses visiteurs “si elle (Angela Merkel) s’allie avec les libéraux, je suis mort”.

Des experts financiers ont également affirmé dans le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung que l'arrivée du FDP au Bundestag pourrait avoir des conséquences importantes sur les marchés financiers. Si contrairement au référendum du Brexit ou à l’élection de Trump, les élections législatives allemandes ne présentent que très peu de risques pour l'avenir de l'Europe, le score du FDP préoccupe les banques européennes. Les Libéraux souhaitent que l'Allemagne prenne ses distances avec la zone euro pour "qu'elle ne soit pas la seule à payer". Le FDP veut réduire les aides de l’Union européenne aux pays en situation de faillite, ce qui obligerait la Grèce et l’Italie à rembourser plus rapidement et avec des taux plus élevés.

Les populistes prêts à s'allier aux Libéraux

En Allemagne, les positions conservatrices du FDP sur l’immigration inquiètent. Seul, le parti populiste Alternative pour l’Allemagne se réjouit de retrouver des similitudes dans leur programme. Alexander Gauland, le porte-parole de l’AfD, estime qu'une coalition avec le FDP est possible. Après avoir critiqué la politique d’ouverture aux réfugiés de la chancelière, Christian Lindner a évoqué la nécessité d’une réforme de la politique d’immigration. Selon Lindner, ”aucun droit de l’homme ne permet de choisir soi-même un lieu pour vivre dans le monde”. Quant aux réfugiés accueillis depuis 2015 en Allemagne, ils "devront retourner dans leur pays, quand la paix régnera”. Suite à ces déclarations, de nombreuses personnalités politiques avaient alors exprimé leur stupeur, voyant un rapprochement très clair entre les libéraux et les populistes. Christian Lindner a depuis exclu toute coalition avec l’AfD.

Une coalition CDU-Verts, une première au Bundestag

Une alliance entre conservateurs et écologistes peut sembler contre-nature. Elle est pourtant déjà à l'oeuvre dans le Land du Bade-Wurtemberg. Et en 2013, lors du précédent scrutin fédéral, la CDU et les Verts n’avaient pas réussi à se mettre d’accord. La candidate des Verts affirme aujourd'hui que les deux partis sont mieux préparés à de possibles négociations mais que les discussions autour de la politique d’immigration et de la protection de l’environnement risquent d’être compliquées. Les Verts souhaitent que le droit d’asile devienne un droit fondamental en Allemagne et qu’il soit inscrit dans la constitution. Dans une interview au journal allemand Südkurier, Katrin Göring Eckardt affirme que les Verts veulent “une politique d’immigration réaliste, pragmatique et humanitaire”. Autre pierre d'achoppement: la voiture, la chancelière excluant pour le moment une interdiction à terme des moteurs à combustion.

L'option “jamaïcaine” a du plomb dans l'aile

L'un des dernières options à envisager est une coalition "Jamaïque". Elle fait référence aux couleurs des trois partis qui pourraient la composer: le noir de la CDU, le jaune des Libéraux, le vert des écologistes. Un attelage qui ne semble pas possible en l'état actuel des positions des trois formations. Katrin Göring Eckardt s'est dite “très pessimiste”. La récente déclaration de la secrétaire générale du FDP au sujet de l’environnement a en effet refroidi les Verts. La libérale Nicola Beer a affirmé que la crise climatique était une “fake news” alors que la priorité des Verts reste la protection de l'environnement.

Dimanche soir, il faudra donc scruter les scores de tous les partis, pas seulement ceux de la CDU et du SPD. Car l'ordre d'arrivée, le poids de chacun, aura une influence déterminante sur les contours de la future coalition, amenée à diriger le pays ces quatre prochaines années.

 

Par Camille Despierres