Intégration des réfugiés: deux ans après, un bilan mitigé

C'est l'un des thèmes majeurs de la campagne pour les élections fédérales du 24 septembre. Deux ans après la crise des réfugiés, l'Allemagne a-t-elle réussi le pari de l'intégration ? Le bilan est contrasté...

Eté 2015: des milliers de réfugiés sont bloqués à la frontière hongroise, des familles entières errent dans la gare de Budapest. Les images sont saisissantes. Alors que l’Europe ferme ses frontières, l’Allemagne choisit d’ouvrir ses portes et accueille rien qu’en 2015 plus de 890 000 réfugiés. Le pays, non préparé à cette crise migratoire, se retrouve très vite débordé et peine à accueillir les réfugiés. Angela Merkel consciente de l'ampleur de la tâche tente de rassurer la population et lance lors d’une conférence de presse fin août, cette formule devenue fameuse: "Wir schaffen das!”, nous y arriverons. Deux ans après cette déclaration, un rapport du Conseil sur les Migrations dresse un bilan de l’intégration des réfugiés en Allemagne. Avec les chiffres de l'office fédéral de la migration et des réfugiés, cette étude revient sur les données clefs de cette crise migratoire et présente les premiers résultats, plutôt prometteurs de l’Allemagne.

Des démarches administratives encore trop longues

Depuis 2015, en Allemagne, près de 718 000 demandeurs d’asile ont obtenu le statut de réfugié ou ont bénéficié de la protection subsidiaire, qui donne droit de résider sur le territoire pour une durée de 3 ans et autorise l’exercice d’une activité professionnelle, mais ne permet pas le regroupement familial. Originaires principalement de Syrie, d’Afghanistan ou d’Irak, ces réfugiés peuvent désormais chercher un logement et un emploi. Jusqu’à l’obtention du statut de réfugié et du permis de résidence, tout cela leur était interdit. Les temps de traitement de demandes d'asile se sont accélérés, mais il faut en moyenne 6 mois d'attente avant que l'administration donne sa réponse. Une lenteur qui est un frein à l’intégration. Différentes associations telles que Amnesty International dénoncent également la difficulté qu’ont les réfugiés à effectuer ces démarches. Ils se retrouvent souvent face à la barrière de la langue et à des discriminations. 

Du mieux pour l'hébergement des réfugiés

Dès juillet 2015, l’Allemagne est débordée par l’afflux de réfugiés. En quelques semaines, les limites de capacité d’accueil sont atteintes. A Munich, des migrants dorment à même le sol devant des centres d’hébergement saturés. Des villes doivent réquisitionner des gymnases ou des salles communales. Deux ans après, les chiffres montrent une nette amélioration: en mai 2017, ils ne sont plus que 15 000 à vivre dans des centres d’accueil d’urgence, principalement à Berlin et en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Soit 55 000 de moins que l’année dernière. La grande majorité des réfugiés bénéficient désormais de logements plus pérennes, appartements ou foyers d'accueil.

Apprendre l'allemand ? Il faut attendre son tour...

Les réfugiés arrivés sur le territoire ont l’obligation de suivre des cours de langue et d’intégration. Au bout des six mois d’apprentissage, ils doivent réaliser un test écrit et oral. Le niveau B1 est le niveau minimum pour espérer trouver un emploi. Actuellement, 200 000 réfugiés suivent quotidiennement ces cours de langue. C'est peu, mais en raison d'une pénurie de professeurs, l’Etat ne peut répondre à toutes les demandes des réfugiés. Selon le ministère de l’enseignement et de la recherche (BMBF), il manque actuellement 14 000 professeurs et 800 travailleurs sociaux. La priorité est donc donnée aux migrants dont la demande d’asile devrait être acceptée. L’Allemagne est prête à investir jusqu'à 3 milliards d’euros pour l’enseignement des réfugiés. Une somme qui devrait permettre de recruter de nouveaux professeurs. 

Le défi de la formation

Plusieurs enquêtes menées entre 2013 et 2016 ont cherché à déterminer le niveau d’étude des réfugiés. Premier constat: leur niveau de qualification est, en comparaison avec l’Allemagne, très bas. Ce phénomène peut s’expliquer par les conditions de vie désastreuses dans les pays en guerre. Au total, 37% des réfugiés ont un diplôme de l’enseignement secondaire. 68% des hommes réfugiés en Allemagne n’ont pas de diplôme professionnel, quant aux femmes, elles sont 71%. Concernant l’enseignement secondaire, 68% des hommes ont un diplôme et 63% des femmes. Une infime minorité, 1%, n’est jamais allée à l’école. Pour celles et ceux qui sont diplômés, la difficulté principale est de le faire reconnaitre en Allemagne. Selon le même rapport, de nombreux ingénieurs, médecins, professeurs originaires de Syrie ne parviennent pas obtenir une équivalence. Cette main d’oeuvre qualifiée se retrouve sur le carreau. Ils doivent reprendre des études en allemand, pour espérer exercer à nouveau le métier qu’ils pratiquaient dans leur pays d’origine. L’Etat s'est dit prêt à investir jusqu’à 100 millions d’euros jusqu’en 2019 pour leur faciliter l’accès à l’université.

Intégration par le travail: le plus grand chantier

Selon l’agence nationale pour l’emploi, 492 000 réfugiés sont inscrits comme demandeurs d'emploi recherchent un emploi. En réalité, seuls 185 000 sont considérés comme inactifs. Les autres sont inscrits aux cours de langue et ne sont donc pas encore autorisés à travailler. Ceux qui ont trouvé un job ne sont que 64 000, soit à peine 5% de ceux qui sont arrivés depuis 2015.

Deux ans après, la chancelière Angela Merkel affirme que sa décision d’ouvrir les portes de l’Allemagne fut “bonne” et considère toujours les réfugiés comme “une chance pour l’avenir”. Si les progrès en matière d'intégration sont notables, beaucoup considèrent que le plus dur reste à faire.

Par Camille Despierres