Deux pandas à Berlin: un coup marketing et diplomatique

©AXEL SCHMIDT/REUTERS

Ce sont les nouvelles les stars du zoo de la capitale allemande. Dès aujourd'hui, les visiteurs peuvent observer les deux pandas venus de Chine. Une opération très commerciale pour le zoo, et un symbole des bonnes relations entre Pékin et Berlin.

L'enclos des pandas se trouve dans un secteur spécialement aménagé du zoo. De nombreux stands se trouvent à l’entrée : sandwich asiatiques, stands de poterie... Une jeune femme en habit traditionnel fait une animation et nous introduit à la cérémonie du thé. C’est après plusieurs minutes de queue que l’on passe sous un arche chinois, l’entrée du « pandas garden ». Les enfants s’y ruent, les parents suivent. Ce matin, un des pandas est confortablement installé entre deux rochers pour finir sa nuit, tandis que l’autre vagabonde dans l’arrière jardin.

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Stefanie, jeune femme d’une trentaine d’années a profité de son jour de congé pour aller voir ces animaux : « j’étais curieuse, je voulais voir les pandas ! Ils sont mignons, j’aime les pandas et on ne peut pas les voir si souvent », explique-t-elle. « Malheureusement nous n’avons pas vu grand-chose mais ils ont très bien fait l’enclos, c’est très beau avec tous ces bambous ». Ericsson, un touriste suédois en voyage avec toute sa famille à Berlin, est aussi content que ses enfants d’avoir vu les animaux : « nous sommes venus pour quelques jours et nous avons pensé que le zoo de Berlin était une activité sympa pour toute la famille. J’ai lu que les pandas arrivaient et je n’en avais jamais vu auparavant donc c’est génial », dit-il enthousiaste.

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Les deux pandas sont arrivés le 24 juin de Chine au zoo de Berlin. Meng Meng et Jiao Quing ont été transportés dans un avion-cargo spécialement affrété par la compagnie Lufthansa. Pendant leur voyage de 12 heures, les deux pandas étaient accompagnés par deux spécialistes chinois des pandas, le chef du zoo berlinois, Andreas Knieriem, et des tonnes de bambous. Après l'atterrissage, ils ont subi un léger examen médical, avant de se faire transporter jusqu’au zoo, avec un protocole digne des invités d’honneurs de la ville. Leur arrivée a été un événement à Berlin, attirant de nombreux journalistes, et l’ambassadeur chinois en Allemagne, Shi Mingde. Le maire de Berlin, Michael Müller, s’est aussi rendu sur place pour les accueillir.

Les deux pandas sont confortablement installés dans une enceinte de 5000 mètres carrés aménagée avec une montagne et zone d’escalade, une installation qui a couté 9 millions d’euros. Le mâle, Jiao Qing ("petit trésor en chinois"), est né le 15 juillet 2010 et pèse 110 kg. La femelle, Meng Meng ("petit rêve en chinois"), est née le 10 juillet 2013 et pèse 83kg. Le zoo de Berlin n’est pas propriétaire des animaux, le directeur a signé un contrat de 15 ans pour les garder, une location en somme qui coûte 13,8 millions d’euros, soit 920 000 par an. Sans compter l’alimentation des pandas qui coûtera des dizaines de milliers d’euros chaque année.

Un "cadeau" très diplomatique

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Les pandas sont très hautement considérés en Chine. La RBB précise que « depuis 1982, la Chine a fait cadeau, sous Mao Zedong et Deng Xiaoping, de 23 pandas à 8 pays différents, dont l’Allemagne ». Désormais ils sont seulement prêtés mais représentent toujours un lien diplomatique, car il tient de la responsabilité du pays d’accueil d’entretenir ces animaux sacrés. L’ambassadeur de Chine en Allemagne a en effet expliqué que « les pandas sont considérés comme des trésors nationaux en Chine. Une Chine sans panda est tout simplement inimaginable. Dès lors, la reproduction et la conservation de ces animaux constituent une des premières priorités ».

Après quelques jours passés au zoo pour s'acclimater, les pandas ont été officiellement présentés devant la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président chinois, Xi Jinping, dans une mise en scène réglée au millimètre. « Nous avons maintenant deux diplomates très sympathiques dans la ville », a réagit la chancelière. « Berlin a une relation bien particulière avec les ours, et un cœur très spécial pour eux ». Le président chinois a quant à lui fait l’éloge de l’aménagement de leur habitat au zoo, qu’il a qualifié « d’impressionnant ».

Un coup de pub pour le zoo de Berlin

Avoir un ou plusieurs pandas est une aubaine pour un zoo, qui peut ainsi espérer multiplier ses entrées. Mais « on n’a pas si facilement un panda », fait remarquer le directeur du zoo, Andreas Knieriem, dans une interview avec la Berliner Zeitung. Le zoo doit rassembler de nombreuses conditions que tous les zoos n’ont pas, et il faut ajouter en plus une intense campagne de lobbying politique. En cette période de bonnes relations avec la Chine, le zoo de Berlin, qui s’est déjà occupé d’un panda auparavant, avait toutes ses chances. « Le zoo de Berlin a obtenu le contrat parce qu'il a de l'expérience avec les pandas géants - et une réputation dans le domaine de la science. Et les hommes politiques ont négocié obstinément, jusqu'à la chancelière », confie Andreas Knieriem.

Cinq ans se sont déroulés depuis que le dernier panda présent au zoo, Bao Bao, est mort, âgé de 34 ans. Le directeur du zoo a jugé qu’il était grand temps d’en avoir un nouveau. « Nous avons rapidement réalisé que notre politique envers les pandas était l'une des plus importantes du zoo », précise-t-il. « C’est une considération économique aussi, c'est sûr. L’argent que nous avons dépensé pour les pandas est un bon investissement. Nous voulons ainsi renforcer la renommée du zoo », ajoute-il. Et espérer les mêmes retombées commerciales qu'avec une ancienne star du zoo, l'ourson polaire Knut, malheureusement décédé prématurément.

 

Par Sibylle Aoudjhane