Le président Macron vu d'Allemagne : un soulagement pour l'Europe

©Éric Feferberg, AFP

« Soulagement », c’est le terme que l’on retrouve le plus dans la presse allemande ce matin. Si l’Allemagne se réjouit de l’élection d’Emmanuel Macron, elle reste lucide sur la suite et les difficultés que le président français devra affronter : quelle majorité va-t-il réussir à rassembler au parlement ? Et quelles seront les futures relations franco-allemandes futures ?

Les réactions des hommes politiques allemands sont toutes très positives. Le porte-parole d’Angela Merkel, Steffen Seibert a réagi hier soir très rapidement sur Twitter : « Félicitations, @EmmanuelMacron. Votre victoire est une victoire pour une Europe forte et unie et pour l'amitié franco-allemande ». Les autres membres du gouvernement se réjouissent aussi d’une Europe et de relations franco-allemandes plus fortes, comme le ministre allemand des Affaires etrangères Sigmar Gabriel (SPD), qui twitte : « Liberté, Egalité, Fraternité ! C’est ce que la France a choisi aujourd’hui ! La Grande Nation était, est et reste au centre et dans le cœur de l’Europe ». Le leader du parti écologique, Cem Özdemir s’est aussi exprimé : « Félicitations Emmanuel Macron ! Merci la France ! Le gouvernement fédéral est maintenant responsable : L’Allemagne et la France pour une Europe forte » dit-il.

L’Allemagne retenait son souffle depuis plusieurs mois et voyait en Macron le meilleur rempart contre le populisme. Le second tour les soulage donc d’une montée en puissance du parti d’extrême droite eurosceptique. La FAZ le voit ainsi : « une candidate d’extrême droite ne déménagera pas à l’Elysée. Après le Brexit et la victoire de Trump, le monde occidental et l’Europe ont été épargnés d’un nouveau tremblement de terre politique ». De même, Die Zeit titre en français « Ouf ! » mais souligne qu’il « était seulement le moindre mal ». Pour le journal, beaucoup de français n’ont pas voté pour Macron mais contre Le Pen, et rappelle que « 50% de la France a choisi le protectionnisme au premier tour. Plus de 50% de la France a choisi des politiciens nationaux souverainistes. Ce qu’il a gagné au second tour, ce n’est pas grâce à lui mais grâce à son adversaire ».

 Une nouvelle ère politique 

Comme le soulignait la presse allemande au premier tour : l’issue du vote parque dans tous les cas une rupture politique en France. En effet, les deux partis historiques, Parti socialiste et Les Républicains, ont été éliminés laissant place à un homme sans parti. La presse est étonnée de la victoire d’un homme encore inconnu il y a trois ans et qui a créé son mouvement il y a seulement un an. La FAZ est ébahie : « c’est du jamais vu : Emmanuel Macron est le premier président qui n’appartient pas à un gros parti » explique le journal qui ajoute « Macron a remporté une victoire nette et initie un nouveau chapitre dans l’histoire de France ». L’éditorial du Tagesspiegel souligne aussi ce tournant politique : « la France, la patrie de la démocratie et des droits de l’homme, a montré son refus d’une politique de la haine, de la peur et du repli sur soi. Emmanuel Macron va guider le partenaire le plus important de l’Allemagne vers un futur qui repose sur les réformes, les opportunités sociales, l’ouverture au monde. C’est une bonne nouvelle, c’est bon pour la France et bon pour ses partenaires ».

 La France, l’amie malade, inquiète toujours 

 Les journaux allemands se réjouissent mais dressent aussi la liste de toutes les difficultés que va rencontrer Emmanuel Macron. Les enjeux sont grands et il est attendu au tournant. Pour Peter Frey de la ZDF, « la France n’a gagné qu’une première étape. La France reste instable. Le nouveau président a maintenant besoin de signaux de soutien pour être en mesure d’appliquer ses réformes ». Réussir à rassembler une majorité au Parlement est essentiel aux yeux des Allemands qui craignent une France instable. Die Zeit appelle à être raisonnable : « une majorité parlementaire est importante et nécessaire même si le candidat ne nous convainc pas, il devrait être en mesure d’agir ». Mais la Deutsche Welle se veut pessimiste : « « Macron comme Le Pen sont incapables de rassembler une fraction forte au Parlement. Le prochain choix pour l’union nationale aura lieu en juin. »

L’instabilité de la France inquiète l’Allemagne qui voit en l’élection de Macron une nouvelle ère dans les relations franco-allemandes. « Cette élection marque une rupture pour la France, souligne le Tagesspiegel, c’était le dernier jour de la 5e République. On a vu dès hier soir que [cette élection] aura des conséquences importantes pour l’Allemagne. Sigmar Gabriel a complété ses félicitations en promettant l’aide de l’Allemagne. Quand il dit que « celui qui mène des réformes ne doit pas en même temps être contraint à la rigueur », c’est un appel très clair à son collègue ministre des Finances Wolfgang Schäuble ». Le quotidien ajoute aussi que « la victoire d’Emmanuel Macron renforce le poids de la France au sein de l’UE, au détriment de l’Allemagne, affaiblie par le Brexit qui la prive d’un allié partisan du libéralisme ». « Mais est-ce que le gouvernement allemand va l’aider ? », c’est une autre question que pose la Bild ce matin. « Il veut plus d’investissements, devoir moins épargner, et il veut les eurobonds, la mutualisation des dettes, qui est pour le ministre des Finances Wolfgang Schäuble un chiffon rouge. Et malgré son côté pro-européen et son souhait d’une collaboration approfondie, la France ne prendra pas plus de réfugiés en charge, une majorité des Français est contre. Pour faire bref: il ne faut pas que l’on s’attende à des miracles, mais il n’y aura pas non plus de marques d’affection envers le gentil jeune homme d’Amiens ».

La responsabilité du nouveau président français est grande et les journaux allemands notent déjà que s’il échoue, les mouvements d’extrême droite seront encore plus forts dans cinq ans. C’est l’analyse de Peter Frey de la ZDF: « si Macron échoue, on ne pourra plus faire barrage à Le Pen dans 5 ans ». Le Spiegel Online aussi se projette en 2022 : « si tout reste pareil en Europe, la menace du Frexit ou un renforcement du Front National persistent ».

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