Réfugiés : la Bild s'invite dans les stades... et n'est pas la bienvenue

« #refugeeswelcome - Wir helfen ». « Bienvenue aux réfugiés, nous aidons ». C’est l’écusson que porteront la quasi-totalité des joueurs de foot allemands lors des prochaines journées de 1ère et 2e divisions. Une campagne lancée à l’origine par la Bild Zeitung. Mais comme souvent avec le grand tabloïd, cela ne va pas sans polémique.

 

Après l’immense élan de solidarité de la population allemande envers les réfugiés, c’est le football professionnel qui bat le rappel. Il y a d’abord eu le don d'un million d'euros du Bayern Munich à des associations ou encore les 1500 invitations distribuées à des refugiés par le Vfl Wolfsburg pour son premier match de Ligue des Champions. Ce week-end, les joueurs de Bundesliga et de 2. Bundesliga (la deuxième division) arboreront sur leur maillot un écusson au message clair : « #refugeeswelcome – nous aidons ». Une initiative qui a germé à la fin du mois d’août du côté de la Bild Zeitung, le tout-puissant tabloïd, pas vraiment connu jusqu’ici pour ses prises de position pro-réfugiés. Au contraire, le quotidien du groupe Springer est souvent montré du doigt pour ses titres racoleurs qui soufflent sur les braises xénophobes.

Titres de la Bild. « La vérité sur les criminels étrangers. » « Jobs, criminalité, argent : 7 vérités sur les réfugiés »

Titres de la Bild. « La vérité sur les criminels étrangers. » « Jobs, criminalité, argent : 7 vérités sur les réfugiés »

 

Dans les pas de la chancelière allemande, la Bild a elle aussi opéré un virage à 180 degrés et bien senti le vent tourner parmi la population allemande. Oublié le mouvement Pegida donc, place à l’empathie. Et avec plus de 10 millions de lecteurs par jour, la voix de la Bild compte. Le journal souhaite montrer que « l’Allemagne a un cœur pour les personnes ayant besoin d’aide ». Au moyen de nombreux reportages sur les associations et bénévoles qui viennent en aide aux réfugiés, mais aussi en récoltant des dons. Même les plus hauts responsables politiques ont suivi.

Sigmar Gabriel, vice-chancelier, participe à la campagne de la Bild - Photo : Maurice Weiss

Sigmar Gabriel, vice-chancelier, participe à la campagne de la Bild - Photo : Maurice Weiss

 

Pour parfaire le tableau, il ne manquait plus que la grosse machine médiatique de la Bundesliga. Soutenues par la DFL, la ligue allemande de football, les équipes de 1ère et 2ème division afficheront ce week-end leur solidarité avec le fameux logo sur la manche gauche des maillots. Un joli coup pour la Bild qui subit cependant quelques égratignures. Sur les 36 clubs allemands, plusieurs feront défaut, comme le SC Freiburg, le 1. FC Nürnberg, Vfl Bochum, et surtout le FC Sankt-Pauli. Le club de Hambourg, connu pour ses tribunes marquées très à gauche et son engagement antiraciste, a fait savoir qu’il ne participerait pas à cette campagne. Son président, Andreas Rettig, n’en voit « pas la nécessité ». Une formulation bien policée qui pourrait se traduire par « nous n’avons rien à voir avec ce torchon ». Le club rappelle que lui est engagé depuis de nombreuses années auprès des réfugiés. Et ces derniers mois, le FC Sankt-Pauli a multiplié les actions, notamment lors du récent match amical contre le Borussia Dortmund, dans son antre du Millerntor Stadion : l’argent de la billeterie a été reversée à des actions de soutien aux réfugiés.

Bannière en soutien aux réfugiés au Millerntor Stadion. 1000 réfugiés avaient été invités pour suivre la rencontre face au Borussia

Bannière en soutien aux réfugiés au Millerntor Stadion. 1000 réfugiés avaient été invités pour suivre la rencontre face au Borussia

 

Par l’intermédiaire de son grand chef Kai Diekmann, la Bild a réagi et dénoncé l’absence de cœur du club hambourgeois. Le recours à la célèbre maxime « ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous » a eu très vite un effet boomerang. Le hashtag #BILDnotwelcome s’installant rapidement à la première place des tendances Twitter en Allemagne. Le magazine spécialisé dans le football, 11Freunde, a également dénoncé une action qui sent bon la communication – ou la publicité c’est au choix - dans un éditorial au vitriol. Manque de chance pour Kai Diekmann, une autre « Traditionsverein », club de tradition, le 1.FC Union Berlin va aussi boycotter le port de l’écusson.

mascotte fc union

Keule, la mascotte du 1. FC Union avec des enfants réfugiés au stade An der alten Försterei

 

Le club à la forte identité ouvrière de l’est de Berlin, mais dont les tribunes sont peu politisées au contraire de Sankt-Pauli, préfère le concret. Les Unioner ont annoncé cette semaine mettre à disposition des réfugiés un bâtiment de 1200 mètres carrés situé tout près de leur stade. Prévu pour faire office de maison des fans, le bâtiment servira finalement d’hébergement d’urgence.

 

Par Julien Mechaussie