TUTORIEL : le calendrier de la construction en terre guadeloupéenne

Forcément, sur un territoire aussi exposé aux risques majeurs, il y a des périodes plus propices que d’autres pour se lancer dans un projet de construction. Sauf que la plupart des menaces (séismes, inondations, ou encore mouvements de terrain) peut survenir à tout moment de l’année. Ainsi pour établir un calendrier, on ne peut s’appuyer que les cycles identifiés, qui rythment la vie de l’archipel : saison sèche, saison des pluies, saison cyclonique.

(Photos de Françoise TROPLENT, architecte - Tutoriel vidéo en fin d'article !)

 

L’architecte Françoise TROPLENT, consultante au sein du CAUE (Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement), nous apprend que construire est une affaire de longue haleine, de patience et de respect d’un certain nombre d’étapes-clés.

Sont-elles réellement dépendantes du calendrier ? En quelques sortes, oui !

Il semble surtout que vouloir, coûte que coûte, poursuivre les travaux, quelques-soit les conditions climatiques, peut s’avérer dangereux, pour les ouvriers comme pour la construction.

Nos objectifs, donc : éviter tout incident sur le chantier et garantir la résistance du bien sur le long terme.

« Auparavant », nous dit Françoise TROPLENT, « on prenait le temps de bien construire les maisons. Alors qu’aujourd’hui, on court après le temps, sans tenir compte de toutes les précautions à prendre, par bon sens ».

PHASE I : L’affichage du permis de construire

Période :

Deux mois avant le début des travaux, puis durant tout le chantier.

Tâches :

La première phase de la construction n’est pas liée à une période de l’année, mais à une obligation d’information des tiers : il s’agit de l’affichage du permis de construire.

Ce panneau, obligatoire deux mois avant le début des travaux et positionné en évidence sur le site du chantier, permet à quiconque d’être informé du projet d’urbanisme et, le cas échéant, de le contester. Il prémunit aussi le propriétaire de tout contentieux ultérieur.

Chez nous, c’est aussi l’occasion de faire jouer le savoir vernaculaire* : les « anciens » du quartier peuvent alors alerter sur les antécédents dans le secteur et signaler des zones inondables, d’éboulements, qui s’érodent, qui s’affaissent, etc.

De quoi éviter bien des mauvaises surprises et désagréments, avant et pendant la construction, voire après la livraison du bien !

PHASE II : Les fondations

Période propice :

Le carême (mi-décembre à mai - temps sec)

Tâches :

Après sondage et modelage du terrain, les travaux de fondation d’une construction nécessitent des fouilles, pour atteindre un sol stable. Il faut éviter à tout prix que l’eau s’y infiltre. Le risque est que les eaux de ruissellement (par exemple) modifient l’assise de la tranchée.

Un « béton de propreté » protège le sol des intempéries et permet de travailler « au propre ». Coulé au fur et à mesure des fouilles, il maintient la pression du sol et empêche tout contact entre la terre et les aciers du bâti. La durée de vie et la résistance de la construction n’en seront que prolongées.

Toujours pour l’isolation du site, contre les infiltrations d’eau, un trottoir périphérique et un drain sont conseillés.

PHASE III : Les élévations

Période :

Hors période cyclonique (décembre à juin)

Tâches :

En cas de forte intempérie, il y a un risque, si les « voiles banchées » n’ont pas eu le temps de durcir. 28 jours sont nécessaires pour un total séchage des murs verticaux.

Pour les élévations en parpaings, les chaînages verticaux et horizontaux doivent être faits au fur et à mesure du montage, pour éviter de perdre tout le pan, en cas de vents violents.

Même problématique en cas de fort séisme : mieux vaut que les murs soient séchés et progressivement renforcés, pour une parfaite résistance.

PHASE IV : Mise hors d’eau

Période :

Hors hivernage (janvier à juin – hors période de pluies)

Tâches :

Il s’agit là de couvrir la construction (si on a opté pour des tôles, ou des tuiles), ou d’étanchéiser les toitures (pour le choix de dalles terrasse).

Des ouvrages, là aussi, à ne pas réaliser par temps pluvieux.

Installer la toiture sous la pluie constitue un risque pour les ouvriers à l’œuvre.

Par ailleurs, les colles utilisées pour les travaux d’étanchéité ont des conditions d’utilisation, en termes de température et d’humidité. Sur un support humide, leur adhérence n’est évidemment pas garantie.

PHASE V : Mise hors d’air

Période :

Avant la saison cyclonique (décembre à juin)

Tâches :

Cette fois, on ferme la bâtisse : fermeture des accès (portes et fenêtres) et étanchéité au vent et à la pluie (joints). Et, idem, sur support humide, le résultat ne sera pas optimal.

PHASE VI : Achèvement

Les travaux peuvent être scindés : ceux qui se font à l’intérieur peuvent être menés à tout moment de l’année (les finissions : plomberie, carrelage et peinture  intérieurs…), tandis que les autres seront préférables durant le carême.

Période :

Le carême (mi-décembre à mai - temps sec)

Tâches :

Il est temps d’imperméabiliser les murs de façade, jusqu’ici poreux. Cela, en même temps que les travaux de peinture extérieure. Et c’est impossible sur une base humide !

Quant au carrelage, il ne peut être posé que sur une dalle sèche, pour éviter une désolidarisation prématurée du sol et de la chape. S’il y a une « cloque », un séisme suffit pour que les carreaux sautent et se cassent !

 

NOTA BENE /

Si on devait être en accord avec la réalité du territoire, face aux risques naturels, il semble qu’il n’y ait pas grand-chose à faire de juin à novembre, hormis les finissions...

 

VOCABULAIRE BTP /

SEMELLE : coulée en béton servant d’assise à un bâtiment, pour supporter les poteaux, les murs porteurs.

LONGRINE : poutre en béton armé servant à répartir les charges des murs, poteaux, dalles, etc. Elle est renforcée par un ferraillage adapté (aciers de liaison), solidaire de la fondation.

VOILE : le voile béton est une paroi verticale obtenue par coulage d'un béton banché.

BANCHE : coffrage ou panneau de coffrage utilisé pour la réalisation des murs.

CHAINAGE : éléments de renfort, en acier enrobé de béton ou intégré dans des parpaings,  pour solidariser les différents éléments d’un mur.

CHAPE : mortier, pour un revêtement parfaitement plat, sur la dalle, avant la pose du carrelage.

 

POUR ALLER PLUS LOIN /

* Il est question du savoir vernaculaire dans cette interview Alerte Guadeloupe du sociologue Raymond OTTO : « La mémoire collective : un des canaux d’information »

A lire aussi, sur Alerte Guadeloupe : « PREVENTION DES RISQUES/ Bâtir dans le respect de la réglementation : le B.A.BA ! »

 

Remerciements : Françoise TROPLENT et le CAUE de la Guadeloupe.

Journaliste : Nadine FADEL.